Le 10 janvier dernier, Élisabeth Borne, la Première ministre, a présenté les grandes lignes de la future réforme des retraites qui devrait être adoptée en mars 2023 et progressivement entrer en vigueur à compter de septembre prochain.
Pour l’heure, place à la contestation, la réforme se heurte en effet à un rejet de l’ensemble des organisations syndicales qui ont appelé à une grève nationale ce jeudi 19 janvier, qui semble fortement suivie.
Et pour cause, le texte comporte de nombreuses dispositions explosives à l’instar du report contesté de l’âge de départ en retraite à 64 ans. Parmi les autres mesures, on dénombre une adaptation du dispositif de carrières longues, la fin des régimes spéciaux, le minimum de pension à 1 200 €… Retour sur les grandes évolutions portées par la réforme.
Report de l’âge légal de départ en retraite à 64 ans
Mesure la plus explosive de la réforme, l’âge légal de départ à la retraite passera de 62 à 64 ans. Dans le détail, l’âge sera progressivement relevé à compter du 1er septembre 2023, à raison de 3 mois par année de naissance pour atteindre 64 ans en 2030.
La durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein évolue aussi pour certains assurés, en fonction de leur date de naissance. La retraite à taux plein – c’est-à-dire l’âge de départ auquel aucune décote ne peut être appliquée – reste fixée à 67 ans.
Et ce n’est pas tout, ce report devrait être couplé à une accélération de l’allongement de la durée de cotisation pour une retraite à taux plein, laquelle serait portée à 43 ans (172 trimestres), conformément aux dispositions prévues par la réforme Touraine de 2014.
Le dispositif de carrières longues adapté
S’agissant du dispositif de carrières longues, il sera adapté afin que ceux qui ont commencé à travailler tôt ne travaillent pas plus de 44 ans.
Les personnes remplissant les conditions actuelles du dispositif carrières longues (durée d’assurance comportant un minimum de trimestres cotisés et avoir cotisé 5 trimestres avant la fin des 20 ans) continueront de partir 2 ans avant l’âge légal , donc à 62 ans au lieu de 64 ans lorsque la réforme entrera en vigueur (contre 60 ans au lieu de 62 ans actuellement).
Quant aux personnes qui ont eu une carrière très longue, c’est-à-dire ayant commencé à travailler :
- avant 16 ans, elles pourront partir dès 58 ans
- entre 16 et 18 ans, elles pourront partir à compter de 60 ans
- entre 18 et 20 ans, elles pourront partir à compter de 62 ans.
En outre, la réforme souhaite faciliter le départ en retraite pour carrières longues des femmes en prenant en compte dans le calcul jusqu’à 4 trimestres validés au titre du congé parental.
Protéger les plus fragiles et les travailleurs exposés
Le texte prévoit une série de mesures à l’égard des plus fragiles et des travailleurs exposés. Dans le détail :
- les personnes en situation d’invalidité et d’inaptitude pourront partir à la retraite à taux plein à l’âge de 62 ans, comme c’est actuellement le cas. 100 000 personnes sont concernées chaque année
- les travailleurs en situation de handicap pourront partir à 55 ans, à condition d’avoir cotisé un nombre minimal de trimestres et de justifier d’une incapacité permanente d’au moins 50 % l’année de la prise de la retraite, ou du statut de travailleur handicapé avant 2016
- les victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles pourront partir à la retraite 2 ans avant l’âge légal, sous respect de nouvelles conditions assouplies : en cas d’accident du travail ou maladie professionnelle ayant entrainé une incapacité d’au moins 10 %, il sera possible de partir 2 ans avant l’âge légal, si cette incapacité est liée à une exposition à des facteurs de pénibilité. La réforme a abaissé la condition de durée d’exposition à 5 ans (contre 17 ans actuellement). En outre, toute victime d’un AT-MP dont l’incapacité est supérieure à 20 % sera éligible à ce départ anticipé.
Pénibilité : prévenir l’usure professionnelle
Le projet de loi vise à prévenir l’usure professionnelle et éviter l’exposition aux risques professionnels dans les métiers physiques ou répétitifs à travers diverses mesures :
- élargissement du compte professionnel de prévention à plus de salariés et avec plus de droits, comme un abaissement de certains seuils des principaux facteurs d’exposition aux risques professionnels (travail de nuit…)
- renforcement de la valeur des points acquis : 1 point au C2P permettra de financer 500 € de formation (contre 375 € aujourd’hui)
- création d’un droit à la reconversion pour faciliter les changements de carrière
- création d’un fonds d’investissement d’un milliard d’euros pour la prévention de l’usure professionnelle
- mise en place d’un suivi médical renforcé auprès des salariés (vers l’âge de 45 ans) exerçant un métier pénible.
Fin des régimes spéciaux de retraite
La réforme des retraites acte la suppression des principaux régimes spéciaux : le régime de la RATP, la branche des industries électriques et gazières – IEG (industries électriques et gazières, soit EDF, Engie, ERDG, RTE etc.), les clercs de notaires, les personnels de la banque de France ainsi que les membres du Conseil économique social et environnemental (CESE). Perdurent quant à eux les régimes autonomes de libéraux et avocats et ceux des marins, de l’Opéra de Paris et de la Comédie Française.
«Nous voulons mettre un terme à un certain nombre de situations qui peuvent apparaître comme des privilèges. Les régimes spéciaux sont devenus archaïques à mesure que la réalité des métiers a évolué», a indiqué sur ce point, Olivier Dussopt, le ministre du Travail, le 10 janvier dernier.
Dans le détail, tous les nouveaux entrants aux régimes spéciaux recrutés à compter du 1er septembre 2023 seront affiliés au régime général pour la retraite : il s’agit de la «clause du grand-père».
Concernant ceux qui sont actuellement en poste, ils seront concernés par le décalage progressif de deux ans de l’âge légal de départ en retraite et par l’accélération de la réforme Touraine, avec toutefois une prise en compte de leurs spécificités.
Seule différence : les nouvelles règles s’appliqueront seulement en 2025 pour ces publics alors que la réforme pour le régime général démarrera dès septembre 2023.
L’impact de la réforme des retraites sur les fonctionnaires
La réforme des retraites contient certaines mesures à destination des fonctionnaires et des contractuels. Dans le détail, il n’y a aucun changement pour les fonctionnaires en catégories actives et les militaires qui pourront toujours partir plus tôt en retraite.
Toutefois, comme dans le privé, le relèvement progressif de l’âge d’ouverture des droits de 2 ans et l’accélération de l’allongement de la durée de cotisations concernera les catégories actives et sédentaires.
Les modalités de calcul de la pension de retraite des fonctionnaires resteront identiques à celles applicables actuellement, à savoir sur la base du traitement indiciaire détenu pendant les 6 derniers mois de la carrière (salaire hors primes).
Pour faciliter la reconversion des fonctionnaires exerçant des métiers pénibles vers d’autres métiers, la portabilité des services actifs sera rendue possible et la clause d’achèvement de la carrière en catégorie active supprimée.
Augmentation du minimum de pension à 1200 €/mois
La réforme prévoit de revaloriser le minimum de pension à hauteur de 100 € par mois, pour une carrière complète.
Cette augmentation s’appliquera aux personnes – salariés, artisans-commerçants, agriculteurs – partant en retraite à compter du 1er janvier 2023. Cette hausse concernera les personnes partant en retraite à compter du 1er septembre 2023, justifiant de 42 années de cotisations aujourd’hui et à terme 43 annuités dès 2027.
Ainsi, un salarié qui a cotisé au Smic toute sa vie percevra une pension de retraite de près de 1 200 € brut par mois, soit 85 % du SMIC net contre 75 % actuellement. 200 000 nouveaux retraités seraient concernés chaque année.
Concernant les retraités actuels, des travaux parlementaires seront engagés afin de mettre en œuvre une revalorisation de leurs pensions minimales.
Des mesures en faveur des séniors
La réforme entend valoriser et favoriser le travail des séniors en déployant «une stratégie globale pour accompagner l’emploi des seniors, de valoriser leurs compétences, et de développer l’accès à la formation. Les entreprises doivent prendre toute leur part pour y parvenir ».
Parmi les mesures proposées en ce sens :
- un index seniors sera créé pour faire la transparence dans les entreprises et pour replacer la gestion des âges au cœur du dialogue social
- une future négociation est prévue en vue de la mise en place d’un compte épargne-temps universel (CETU) pour aménager son temps de travail tout au long de la carrière
- le dispositif de retraite progressive sera assoupli et élargi à la fonction publique ainsi qu’à l’ensemble des travailleurs indépendants
- les retraités en cumul emploi retraite pourront acquérir de nouveaux droits et ainsi augmenter leur pension.
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